Hydroxychloroquine : vos patients s’interrogent et vous aussi !

La bataille d’experts fait rage. Les complotistes voient le mal partout. Vous vous retrouvez face aux interrogations de vos patients.  La FNI fait le point sur le sujet du moment.

Il faut le dire, la polémique scientifique sur l’utilisation d’hydroxychloroquine dans la prise en charge des patients atteints par le coronavirus Covid-19 perturbe. D’une part parce que la bataille est amplement relayée par les chaînes d’information en continu orchestrant un match Marseille contre Paris, dans lequel se mêlent les politiques et les complotistes en tout genre. Dans ce contexte, comment s’y retrouver. Voici un point, le plus neutre possible sur le sujet.

De quoi parle-t-on ?

Tout d’abord, qu’est-ce que l’hydroxychloroquine, plus connu sous le nom commercial de Plaquenil. Ce médicament a pour indication le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus. Sa structure chimique est proche de certains médicaments utilisés dans la prévention et le traitement du paludisme comme la chloroquine. Mais il ne faut pas confondre les deux molécules. Le Plaquenil n’est délivrable que sur ordonnance et en aucun cas en automédication. Ce médicament comporte des effets indésirables, encore plus, à forte dose, un risque pour les patients ayant des problèmes cardiaques. C’est pourquoi, préalablement à la prescription et lors de la prise du médicament, le médecin procède à des explorations et contrôles.

Hydroxychloroquine et essais cliniques

Plusieurs études chinoises concernant l’utilisation de l’hydroxychloroquine, dont une étude pilote publiée récemment, ont conclu à l’absence de bénéfice de l’hydroxychloroquine en comparaison d’un traitement symptomatique seul. Mais, la prépublication, le 17 mars dernier, des résultats encourageants des travaux menés par l’équipe du Pr Raoult, et une autre publication chinoise, le 9 mars, mettant en avant des données probantes in vitro ont conduit à ce que ce médicament soit inclus dans l’essai clinique européen contre le Covid-19 lancé le 22 mars.

Baptisé « Discovery », cet essai coordonné par l’Inserm concerne 3 200 patients européens incluant la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne, et au moins 800 patients en France, atteints de formes sévères du Covid-19. Son objectif est d’évaluer l’efficacité et la sécurité de quatre stratégies thérapeutiques expérimentales qui pourraient avoir un effet contre le Covid-19 au regard des données scientifiques actuelles.

Discovery teste cinq modalités de traitement :

  • soins standards
  • soins standards plus remdesivir,
  • soins standards plus lopinavir et ritonavir,
  • soins standards plus lopinavir, ritonavir et interféron beta
  • soins standards plus hydroxychloroquine.

Cet essai clinique s’adaptera en temps réel en fonction des résultats qui seront évalués tous les 15 jours. Les premiers résultats, dits résultats intermédiaires, sont attendus à la fin de la semaine.

Les patients qui le souhaitent peuvent toujours participer à l’un de ces essais cliniques.

L’essai mené par le Pr Raoult à IUH Méditerranée de Marseille concerne des patients COVID positifs pris en charge précocement avec une association d’hydroxychloroquine et d’un antibiotique, l’azithromicyne.

Pas d’hydroxychloroquine hors AMM en ville

Dans le contexte de l’épidémie, au moment où les Français sont en proie au doute, l’étalage médiatique du débat scientifique a provoqué des difficultés d’accès dans les pharmacies en ville aux traitements Plaquenil (hydroxychloroquine) et Kaletra et son générique (lopinavir/ritonavir) pour les malades chroniques à qui ces médicaments sont destinés (VIH, lupus, polyarthrite rhumatoïde…). En clair, la peur a poussé les plus inquiets à se faire prescrire ces produits, risquant de priver les patients qui en avaient réellement besoin de ces produits. C’est pourquoi le ministre de la Santé a pris, en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19, un décret pour encadrer strictement la délivrance de ces médicaments. Le ministre a ainsi interdit la prescription d’hydroxychloroquine hors AMM en ville et l’association lopinavir/ritonavir pour en réserver l’usage aux équipes hospitalières pour des patients souffrant de formes sévères de Covid-19 après décision collégiale. Et l’ANSM a expressément demandé aux pharmaciens d’officine de ne délivrer ces médicaments que sur prescription médicale dans leurs indications habituelles, afin de sécuriser leur accès aux patients qui en bénéficient pour leur traitement chronique.

Éviter d’autres hospitalisations en réanimation avec l’automédication

Alors que la prescription et la délivrance de Plaquenil (hydroxychloroquine) est limitée aux indications officielles en ville, notamment pour éviter les risques de rupture de stock, et que son usage hors AMM contre le Covid-19 n’est autorisé qu’à l’hôpital pour les formes graves et pour les essais cliniques, des cas de complications graves sont signalés après l’utilisation de ce médicament en automédication.

C’est l’ARS Nouvelle Aquitaine qui a tiré la sonnette d’alarme. Dans un communiqué du 30 mars, l’agence rapporte que « Des cas de toxicité cardiaque ayant parfois nécessité une hospitalisation en réanimation ont été signalés en Nouvelle Aquitaine suite à des prises en automédication de Plaquenil® (hydroxychloroquine) face à des symptômes évocateurs du Covid-19 ».

« Il est primordial que ces recommandations soient respectées pour éviter la survenue d’événements indésirables graves mais aussi des hospitalisations en réanimation qui sont actuellement précieuses », souligne l’ARS. En effet, il serait absurde de créer une situation paradoxale où les lits de réanimation seraient disputés entre les patients COVID et les patients victimes des effets indésirables d’un traitement non maitrisé.

L’ANSM alertait de nouveau le 30 mars sur le fait qu’en « aucun cas ces médicaments ne doivent être utilisés ni en automédication, ni sur prescription d’un médecin de ville, ni en auto-prescription d’un médecin pour lui-même, pour le traitement du Covid-19 ».

L’agence rappelle « qu’à ce jour, aucun médicament n’a apporté la preuve formelle de son efficacité dans le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19. C’est pourquoi l’utilisation du Plaquenil (hydroxychloroquine) ou du Kaletra et de son générique (lopinavir/ritonavir) pour la prise en charge des patients atteints de Covid-19 doit se faire prioritairement dans le cadre des essais cliniques en cours ». L’OMS et le Haut Conseil pour la Santé publique partagent le même avis.

« Une trentaine » d’effets indésirables graves, dont « trois décès » ont jusqu’à présent été signalés chez des patients atteints du coronavirus traités par Plaquenil (hydroxychloroquine) mais aussi d’autres médicaments tels que le Kaletra (un antirétroviral associant lopinavir/ritonavir), a indiqué le directeur général de l’ANSM. Autant d’informations à ne pas prendre à la légère en attendant le résultat des essais cliniques.

En guise de conclusion

La publication des premiers résultats des essais thérapeutiques dans quelques jours apportera des indications et permettra peut-être de lever certains doutes. Mais rien ne dit que cela permettra de tout régler de façon immédiate. Il convient donc de rester prudent et de recommander à vos patients de respecter le confinement et les gestes barrières afin d’éviter la saturation des hôpitaux et des lits de réanimation.

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